002bis-L’arrêt de la Chambre des expropriations de la Gironde du 30/06/04 statuant sur renvoi de l’arrêt de Cassation du 12.03.03

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002bis-L’arrêt de la Chambre des expropriations de la Gironde du 30/06/04 statuant sur renvoi de l’arrêt de Cassation du 12.03.03

Les consorts Wallon ont déposé les 4 août 2003 et 27 avril 2004 deux mémoires demandant à la cour, sous réserve du pourvoi contre l’ordonnance d’expropriation et du recours contre la procédure antérieure dont la juridiction administrative a été saisie, de juger irrecevable et subsidiairement nulle la procédure de fixation de l’indemnité d’expropriation dont l’expropriant a saisi le juge de Mont de Marsan, procédure renvoyée devant le juge d’Auch en application de l’article 47 du Nouveau code de procédure civile. Ils invoquent le non respect des dispositions des articles R 13-18, R 13-21, R 13-22 du Code de l’expropriation et d’autre part la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme du fait de la présence du commissaire du Gouvernement dans la procédure d’expropriation […]

MOTIFS DE LA DECISION

La procédure de saisine du juge de l’expropriation est prévue notamment par les articles suivants du Code de l’expropriation :

L 13-4: le juge est saisi par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat de la juridiction compétente, soit par l’expropriant à tout moment après l’ouverture de l’enquéte prescrite à l’article L 11-1, soit par l’exproprié à partir de l’ordonnance d’expropriation…

R 13-18 : lorsque l’expropriant dispose des éléments d’information suffisants pour rédiger le mémoire prévu à l’article R 13-21, il peut se dispenser de notifier ses offres dans les formes et conditions mentionnées aux articles R 13-16 et R 13-17. Il fait connaître ses propositions à l’exproprié dans son mémoire. Toutefois, il ne peut, dans ce cas, saisir le juge de l’expropriation qu’à l’expiration du délai d’un mois suivant la notification de ce mémoire.

R 13-21 : à défaut d’accord amiable dans le délai d’un mois à partir de la notification des offres de l’expropriant ou de la mise en demeure prévue à l’article précédent, le juge de l’expropriation peut être saisi par la partie la plus diligente dans les conditions prévues à l’article L 13-4.

La demande est adressée au secrétariat de la juridiction du département dans lequel sont situés les biens à exproprier. Une copie, en double exemplaire, du mémoire du demandeur est jointe à cette demande qui est simultanément notifiée à la partie adverse.

R 13-22 : le demandeur est tenu de notifier son mémoire au défendeur au plus tard à la date de la saisine du juge. La demande prévue à R 13-21 doit, à peine d’irrecevabilité, préciser la date à laquelle il a été procédé à cette notification. Si cette dernière est faite par l’expropriant, elle doit reproduire en caractères apparents les dispositions des articles R 13-23, R 13-24 (alinéa premier) et R 13-25.

En l’espèce l’expropriant a opté pour la procédure directe instituée à l’article R 13-18, il ne pouvait dans ce cas saisir le juge de l’expropriation qu’à l’expiration du délai d’un mois suivant la notification de son mémoire. Or, il est établi et non contesté qu’a la date de la saisine du juge de l’expropriation de Mont de Marsan (5 novembre 1998) trois des quatre expropriés n’avaient reçu aucun mémoire exposant les offres de l’expropriant. Dès lors, il n’a pu être précisé dans la saisine la date de notification du mémoire aux expropriés et l’irrecevabilité de la demande doit être constatée en application de l’article R 13- 22, comme le soutiennent les appelants.

En effet, il ne peut être soutenu que les notifications des mémoires qui ont été faites par l’expropriant aux quatre expropriés avant la saisine du juge de l’expropriation de Auch sont régulières dans la mesure où c’est l’instance initiale engagée devant le juge de Mont de Marsan qui s’est poursuivie à Auch en application de l’article 97 du Nouveau code de procédure civile, à la suite de la demande formée par les expropriés sur le fondement de l’article 47 du Nouveau code de procédure civile.

Par ailleurs, l’expropriant ne peut valablement invoquer que l’inobservation de la procédure n’a pas compromis la défense des intérêts des expropriés, dans la mesure où la sanction prévue est non pas la nullité susceptible d’être couverte mais l’irrecevabilité considérée comme une fin de non recevoir.

La demande présentée par l’expropriant devant le juge de l’expropriation de Mont de Marsan et renvoyée à Auch doit en conséquence être déclarée irrecevable.

La décision déférée doit être réformée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués par les appelants. […]

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Vu l’arrêt de la cour de cassation en date du 12 mars 2003,

Déclare recevable et bien fondé l’appel formé par les consorts Wallon à l’encontre du jugement du juge de l’expropriation d’Auch en date du 15 septembre 2000,

Réforme la décision déférée et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande en fixation d’indemnité formulée par le département des Landes devant le juge de l’expropriation de Mont de Marsan, renvoyée à Auch sur le fondement dc l’article 47 du Nouveau code de procédure civile, […]

LA MESSE ETAIT DITE MAIS LA FARCE NE FAISAIT QUE SE CONFIRMER …

Sommaire de cette « farce de mauvais goût »

One Response

  1. wallop dit :

    Analyse de l’arrêt de la chambre des expropriations de la Gironde du 30 juin 2004 statuant sur renvoi après cassation du 12 mars 2003

    Cadre légal de la procédure d’expropriation et du renvoi après cassation

    L’organisation procédurale de l’expropriation pour cause d’utilité publique repose sur le principe fondamental de réparation intégrale du préjudice, sous le contrôle d’une instance spécialisée : la juridiction de l’expropriation, puis la chambre des expropriations de la cour d’appel en cas d’appel ou de renvoi. Le transfert de propriété a lieu par ordonnance, l’évaluation des indemnités est séparée des sujets de fond qui relèvent d’autres juridictions si ‘contestation sérieuse’ il y a .

    Lorsque la Cour de cassation prononce la cassation d’une décision de cour d’appel ayant statué sur une contestation relative à la qualité des réclamants – en violation de la règle de l’article L. 13-8 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique – elle renvoie alors l’affaire devant une autre juridiction du même degré (ici, la chambre des expropriations de Bordeaux) afin que seule la question du montant des indemnités soit tranchée dans le strict respect des prescriptions dudit article .

    L’article L. 13-8 alors applicable prévoyait expressément :
    « lorsqu’il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants… le juge règle l’indemnité indépendamment de ces contestations et difficultés, sur lesquelles les parties sont renvoyées à se pourvoir devant qui de droit » .

    Cadre factuel : du renvoi à l’arrêt du 30 juin 2004

    Dans l’affaire à l’origine du renvoi, le litige portait, non pas immédiatement sur la fixation du quantum de l’indemnité d’expropriation, mais sur le droit même d’un preneur rural à prétendre une telle indemnité, alors même que son titre était fortement contesté (existence prétendue d’un bail rural) .

    La Cour de cassation, par son arrêt du 12 mars 2003, a rappelé qu’il n’appartient pas au juge de l’expropriation de trancher les difficultés de fond relatives à la qualité de réclamant : il doit laisser cette question à la juridiction civile ou spécialisée compétente et statuer sur le montant de l’indemnité indépendamment de ce point litigieux .

    Par conséquent, la cour d’appel (chambre des expropriations de la Gironde) appelée à statuer sur renvoi devait s’abstenir de se prononcer sur l’existence du bail rural et se limiter à déterminer le montant total de l’indemnisation due en cas d’expropriation, sans décider du bénéficiaire final de cette indemnité .

    Analyse approfondie de la solution judiciaire retenue

    Refus du juge de l’expropriation de trancher la qualité du bénéficiaire en cas de contestation sérieuse

    La solution, appliquée en l’espèce, découle logiquement de l’article L.13-8 et d’une jurisprudence constante. Lorsque plusieurs personnes revendiquent la qualité de bénéficiaire d’une indemnité d’expropriation, mais que le ou les titres sont contestés au point d’être ‘sérieux’, le juge de l’expropriation doit :

    – Fixer globalement l’indemnité selon les règles en vigueur, sur la base de la consistance du bien et de sa valeur objective ;
    – Écarter le débat sur la titularité du droit à cette indemnité, en renvoyant les parties ‘devant qui de droit’, le juge compétent pour statuer sur la réalité ou la nullité du bail, ou sur tout autre droit contesté .

    Ce mécanisme vise à éviter le gel de la procédure indemnitaire expropriationnelle par des débats complexes nécessitant une instruction de fond dépassant le périmètre et le cadrage de l’instance d’expropriation .

    Modalités concrètes du renvoi : neutralisation de la question du bail rural

    Sur renvoi, la chambre des expropriations statue « à nouveau » ; il lui appartient alors :

    – De ne pas statuer sur la réalité du bail rural invoqué, cette question ayant été explicitement écartée par la Cour de cassation ;
    – De fixer la totalité des indemnités (éventuellement provisionnelles ou en désignant les parts revenant, selon le cas, au propriétaire ou à l’occupant/agriculteur, si ce poste n’est pas sérieusement contesté) ;
    – D’indiquer, le cas échéant, que le paiement effectif de la fraction contestée sera différé jusqu’à l’issue du règlement de la contestation devant le juge compétent (le tribunal paritaire des baux ruraux, en cas de bail rural contesté) .

    Cette attitude est spécialement notable : elle dissocie activement la liquidation de la créance indemnitaire — qui reste de la compétence du juge de l’expropriation — de la désignation du ou des bénéficiaires lorsque la consistance de leur droit n’est pas acquise.

    La portée de la règle affirmée

    L’arrêt de renvoi du 30 juin 2004 illustre la volonté du législateur et de la jurisprudence de ne pas entraver le paiement de l’indemnité (et donc la libération du bien au profit de la personne publique) par des litiges accessoires ou secondaires. Il s’agit d’assurer la sécurité de la procédure d’expropriation tout en préservant les droits des différents intéressés, lesquels pourront toujours faire valoir ultérieurement leur prétention sur l’indemnité devant la juridiction compétente .

    En particulier, la chambre des expropriations, réintégrant le dossier, doit s’exprimer dans le seul cadre de l’objet du renvoi : la liquidation du montant payable en application de la décision administrative initiale. Elle se refuse donc à statuer sur une contestation sérieuse relevant d’une autre juridiction.

    Effets sur la pratique de l’indemnisation expropriationnelle

    L’application de ce principe conduit quasi systématiquement à des jugements ou arrêts comportant des dispositions intermédiaires quant à la répartition de l’indemnité. Typiquement, le quantum fixé pourra être consigné en attendant la solution du juge du fond sur la titularité du bail rural ou sur la consistance des droits respectifs des intéressés :

    – La consignation protège d’une part la collectivité publique de tout double paiement et d’autre part les titulaires potentiels d’un droit à indemnité contre une extinction injustifiée de leur créance .
    – Le jugement ou l’arrêt prendra soin d’expliciter, dans ses motifs, que seule la fixation du montant est de sa compétence au regard de la présence d’une contestation sérieuse sur la qualité ou le titre de réclamant.

    Cette séparation stricte des compétences et cette consignation évitent que la contestation sur le bail ralentisse, voire paralyse, l’ensemble du processus expropriatoire et assurent la réactivité nécessaire à la conduite des chantiers d’intérêt public pour lesquels l’expropriation a été mise en œuvre.

    Exemples jurisprudentiels en renfort : cohérence nationale

    La position ainsi rappelée lors du renvoi de l’arrêt du 12 mars 2003 ressort de nombreuses décisions confirmant la compétence exclusive du juge de droit commun ou du tribunal paritaire des baux ruraux pour trancher les contestations sérieuses sur le fond du droit ou la qualité de réclamant :

    – Cass. civ. 3ᵉ, 12 mars 2003, pourvoi n° 02-70.005  : le juge de l’expropriation a excédé ses pouvoirs en statuant sur l’existence d’un bail rural non établie ; cassation et renvoi ;
    – Cass. civ. 3ᵉ, 15 décembre 1999, n° 98-70.217  : application du même principe à la contestation sur la propriété ;
    – Cour d’appel de Besançon, 5 mai 2011, 10 : lorsque le bail rural est contesté, la cour d’appel des expropriations se déclare incompétente pour statuer sur son existence et sursit à statuer ou renvoie les parties ;
    – Cass. civ. 3ᵉ, 6 mars 1991, n° 89-70.228 , 89-70.227 , 89-70.229  : précisions sur la compétence du juge de l’expropriation et la portée de l’article L. 13-8.

    Le principe est donc particulièrement robuste, à la fois en expropriation agricole et en cas de baux d’autres natures (bail commercial, bail emphytéotique, etc.).

    Apports spécifiques de l’arrêt de la chambre des expropriations de la Gironde du 30 juin 2004

    L’arrêt de renvoi occupe une place particulière

    – Il matérialise la stricte discipline procédurale imposée par la Cour de cassation : respect de la division des compétences entre contentieux indemnitaire et contentieux de l’existence du droit lui-même ;
    – Il contribue à la rapidité et à la sécurité de l’indemnisation, en invitant à la fixation sans délai des sommes dues, tout en garantissant les droits en jeu ;
    – Il constitue une illustration commentée du rôle du juge de l’expropriation dans la « dépolarisation des conflits de droits » et dans la consolidation du contentieux induit autour de la propriété, du bail rural, de la propriété commerciale ou des autres droits réels incidentaux.

    L’arrêt met en exergue le fait que le juge de l’expropriation ne doit pas se transformer en juge du fond ou en juge de l’exécution de statuts accessoires à la propriété expropriée, y compris lorsque le sort de l’indemnité d’éviction (agricole ou non) fait débat.

    Synthèse

    L’arrêt de la chambre des expropriations de la Gironde du 30 juin 2004, pris sur renvoi après la cassation du 12 mars 2003, illustre de façon exemplaire l’application ferme de l’article L. 13-8 du code de l’expropriation. Dans toute situation où la qualité du réclamant ou l’existence de son droit (y compris bail rural) fait l’objet d’une contestation sérieuse, le juge de l’expropriation doit se borner à fixer le montant global de l’indemnité due, sans trancher la question de fond, et renvoyer les parties devant la juridiction compétente pour statuer sur ce droit. Le dispositif assure la célérité, la sécurité de la procédure d’expropriation et la protection des titulaires potentiels, tout en maintenant la division fonctionnelle traditionnelle du contentieux dans cette matière .

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