002-L’arrêt de la Cour de Cassation du 12.03.03 avec renvoi devant la Chambre des expropriations de Bordeaux

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002-L’arrêt de la Cour de Cassation du 12.03.03 avec renvoi devant la Chambre des expropriations de Bordeaux

[…] Sur le premier moyen

Vu l’article R. 13-22 du Code de l’expropriation, ensemble les articles R. 13-18 et R. 13-21 du même Code et l’article 114 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la demande prévue à l’article R. 13-21 doit, à peine s’irrecevabilité, préciser la date à laquelle il a été procédé à la notification du mémoire ;

Attendu que pour déclarer l’expropriant recevable en sa demande de fixation des indemnités d’expropriation formée selon les modalités prévues par l’article R. 13-18 du Code de l’expropriation, l’arrêt attaqué (Agen, 25 juin 2001) retient que si la notification du mémoire contenant les offres détaillées de l’expropriant est postérieure à la saisine du juge, il demeure que l’inobservation des formalités prévues par les articles R. 13-18 et R. 13-21 du Code de l’expropriation n’entraine la nullité de la procédure que si elle a compromis la défense des intérêts des expropriés, ce dont il n’est pas justifié en la cause ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le non-respect des dispositions de l’article R. 13-22 est sanctionné par l’irrecevabilité de la demande, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 juin 2001, entre les parties, par la cour d’appel d’Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux (chambre des expropriations) ; […]

Sommaire de cette « farce de mauvais goût »

One Response

  1. wallop dit :

    Contexte documentaire web

    Le billet cité commente l’arrêt de la Cour de cassation du 12 mars 2003 ayant trait à une procédure d’expropriation, qui annule un arrêt de la cour d’appel et renvoie l’affaire devant la chambre des expropriations de Bordeaux. Pour évaluer ce cas et comprendre ses implications, il importe de replacer l’analyse dans le cadre rigoureux de la jurisprudence publiée et du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Les principaux éléments utiles sont regroupés dans plusieurs décisions publiées, dont notamment : Cass. civ. 3e, 12 mars 2003, pourvoi n° 02-70.005 , qui a fait l’objet de divers commentaires et résumés publiés dans les bases documentaires (et sources associées).

    Analyse approfondie

    1. Portée et contexte technique de l’arrêt du 12 mars 2003

    L’arrêt du 12 mars 2003 de la troisième chambre civile de la Cour de cassation concerne la compétence du juge de l’expropriation et, précisément, la question de la « contestation sérieuse » relative à la qualité de réclamant et à l’existence d’un bail rural sur les biens expropriés . Le litige oppose une commune, expropriante, au preneur se prétendant titulaire d’un bail rural et réclamant en conséquence une indemnité d’éviction, à la suite de l’expropriation de parcelles dont la propriété appartenait à un tiers.

    Selon la Cour de cassation, la cour d’appel a excédé sa compétence en se prononçant, dans le cadre de la procédure de fixation des indemnités d’expropriation, sur l’existence d’un bail rural objet d’une contestation sérieuse. En effet, en vertu de l’article L. 13-8 du Code de l’expropriation, le juge de l’expropriation doit régler l’indemnité indépendamment de ces contestations et difficultés, sur lesquelles les parties doivent être renvoyées à se pourvoir devant qui de droit .

    La Cour de cassation casse donc l’arrêt d’appel et renvoie les parties devant la cour compétente, ici la chambre des expropriations de Bordeaux. Il s’agit d’une application stricte de la règle de séparation des questions relatives à la fixation de l’indemnité (qui relève du juge de l’expropriation) et des litiges sérieux sur la qualité des titulaires de droits, qui excèdent le champ de cette compétence .

    2. Fondement textuel et limites de la compétence du juge de l’expropriation

    L’article L. 13-8 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique énonce :

    > « Lorsqu’il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants, et toutes les fois qu’il s’élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l’indemnité, (…) le juge règle l’indemnité indépendamment de ces contestations et difficultés, sur lesquelles les parties sont renvoyées à se pourvoir devant qui de droit ».

    La jurisprudence du 12 mars 2003 illustre une interprétation constante de ce texte : le juge de l’expropriation n’a pas à trancher, ni fût-ce de manière incidente, l’existence d’un bail rural dans le cadre d’un litige portant sur l’indemnité d’expropriation. Statuer sur ce point reviendrait en effet à préjuger d’une question de fond étrangère à la simple évaluation du montant de l’indemnité .

    Cette conception s’inscrit dans une logique de concentration procédurale et d’efficacité, afin que la phase de fixation de l’indemnité ne dérive pas en un contentieux d’état des droits ou de nature civile agraire. Le juge de l’expropriation n’est compétent que pour déterminer le quantum à allouer, sans préjuger de l’existence, la consistance ou la nature des droits qui font l’objet d’un litige sérieux (ici, un bail rural) .

    3. Illustration concrète : les faits de l’arrêt du 12 mars 2003

    Dans l’affaire commentée, la commune de Persan avait procédé à l’expropriation de parcelles appartenant à Mme X. M. Y. revendiquait la qualité de fermier au titre d’un bail rural sur ces parcelles, prétendant au paiement direct d’une indemnité d’éviction par l’expropriant. La cour d’appel avait accédé à sa demande, en retenant que ce droit découlait de précédentes décisions judiciaires.

    Or, la Cour de cassation juge qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article L. 13-8, car l’existence d’un bail rural, vigoureusement contestée, ressort d’une difficulté sérieuse sur la qualité de réclamant, étrangère à la seule fixation du montant de l’indemnité. Autrement dit, il ne revient pas au juge de l’expropriation de trancher le point de savoir si le demandeur avait ou non un bail rural, tant que cette qualité est contestée et non établie par ailleurs .

    L’arrêt est donc cassé et l’affaire renvoyée devant la cour d’appel compétente, avec injonction de statuer dans le respect de cette stricte répartition des compétences.

    4. La portée du renvoi devant la chambre des expropriations de Bordeaux

    Le renvoi opéré par la Cour de cassation remet les parties au stade procédural antérieur à l’arrêt annulé. La chambre des expropriations de Bordeaux doit statuer uniquement sur le montant de l’indemnité à allouer, mais non sur la qualité de réclamant lorsque celle-ci fait l’objet d’une contestation sérieuse. Dans cette hypothèse, l’examen du droit au paiement de l’indemnité, notamment en cas de conflit sur l’existence d’un bail rural, est renvoyé devant le juge du droit ou le tribunal civil compétent .

    La Cour de cassation rappelle ainsi le caractère limitatif de la compétence du juge de l’expropriation, vertu de célérité, mais aussi pour préserver la sécurité juridique : le règlement préalable des contestations sérieuses sur les droits évite que l’indemnité ne soit attribuée ou scindée à tort entre de prétendus bénéficiaires dont la qualité n’est juridiquement pas établie .

    5. Conséquences opératoires : articulation des recours – Office du juge

    Cette jurisprudence induit un partage net :
    – Si la revendication du bail rural n’est pas contestée sérieusement, le juge de l’expropriation peut fixer l’indemnité due et éventuellement régler sa répartition ;
    – Si cette qualité ou le bail sont litigieux, le juge se borne à fixer l’indemnité globale, dont la répartition effective ou le paiement sont subordonnés à l’issue du contentieux devant la juridiction compétente.

    Cette modalité de procédure présente un intérêt de principe : elle évite que l’indemnisation soit retardée par des débats substantiels sur des droits accessoires ou sur la titularité hypothétique de locataires agricoles, questions qui relèvent des juridictions de droit commun et non du contentieux technique expropriationnel .

    6. Caractère récurrent de la jurisprudence : QPC et article L. 13-8

    L’article L. 13-8 du Code de l’expropriation a également été questionné au regard de sa conformité constitutionnelle (QPC renvoyée : Cass. civ. 3e, 10 juill. 2012, n° 12-40.038  ; transmission d’une QPC sur l’atteinte potentielle au droit de propriété et au recours effectif ; cf. , , ). Toutefois, la jurisprudence de la Cour de cassation est restée ferme sur le principe de la séparation des compétences et de la nécessité de fixer l’indemnité indépendamment de tout litige connexe, en renvoyant les parties devant le juge du fond compétent .

    Aucun élément n’indique une remise en cause de cette structure procédurale. Au contraire, elle demeure un pilier de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, garantissant à la fois la célérité du traitement indemnitaire et le respect des droits substantiels devant le juge compétent.

    7. Illustrations ultérieures

    Cette solution a une portée certaine pour les praticiens comme pour les juridictions spécialisées. Elle contraint, en cas de pluralité de réclamants ou de contestations sérieuses sur la qualité de créancier de l’indemnité, à scinder les procédures : la liquidation judiciaire du droit au bail relavant ainsi du tribunal paritaire des baux ruraux ou, selon le cas, du juge du droit civil.

    Le juge de l’expropriation n’ayant pas à trancher d’autres litiges que ceux strictement liés à la fixation du montant de l’indemnité, il ne peut se prononcer ni sur la validité, ni sur l’existence ou l’étendue d’un bail rural contesté .

    Synthèse

    L’arrêt de la Cour de cassation du 12 mars 2003, analysé notamment dans le billet cité, rappelle et illustre la règle de séparation des compétences qui gouverne la procédure d’expropriation : le juge de l’expropriation fixe le montant de l’indemnité, mais toutes les contestations sérieuses sur la qualité des réclamants ou sur l’existence de droits sur le fonds exproprié (ici, un bail rural) échappent à son office et doivent être renvoyées à la juridiction du droit commun compétente. Cette jurisprudence, solidement ancrée dans l’article L. 13-8 du Code de l’expropriation, vise à garantir la célérité de l’indemnisation tout en protégeant les droits substantiels des parties. Le renvoi devant la chambre des expropriations de Bordeaux, tel que prononcé par la Cour de cassation, matérialise ce partage procédural sans équivoque : il est exclu que la juridiction de l’expropriation statue sur l’existence d’un bail rural litigieux, celle-ci devant limiter son intervention à la seule appréciation du quantum de l’indemnité d’expropriation .

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